Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/57

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trois ou quatre pauvres diables qui s’étaient laissé ostensiblement convertir par les missionnaires, les proscrits se tenaient convenablement devant l’ennemi.

Le côté triste, c’était l’ivrognerie. À quoi bon cacher la vérité ? ce n’est pas ainsi que l’on fait triompher une cause. On buvait beaucoup pendant la Commune, un peu pour se donner du montant, un peu parce qu’on en avait pris l’habitude pendant le siège, alors que les vivres étaient introuvables et la boisson à bas prix. Du reste, les révolutionnaires sanguins de cette époque déjà vieille différaient beaucoup des cérébraux d’aujourd’hui. À la presqu’île Ducos et surtout à l’île des Pins, bon nombre, qui en avaient l’occasion, noyaient leur nostalgie dans le vin et quel vin ! Pas n’était nécessaire d’en boire beaucoup pour déraisonner ou rendre tripes et boyaux.

Deux officines d’empoisonnement sont restées célèbres parmi les anciens hôtes de Kunié. Elles étaient tenues, chose triste à dire, par des déportés que leur avidité avait retranchés de toute communion avec leurs frères d’exil, pour les ravaler au rang des plus âpres mercantis. En remplaçant le jus du vin par des mixtures infernales, ces mastroquets, protégés par l’administration, sont arrivés à la fortune au détriment de la vie de bien des malheureux. Le samedi soir, après la paie faite aux déportés employés aux travaux du génie, la route était jonchée d’hommes ivres-morts, qui n’avaient peut-être pas bu deux verres de ce liquide abominable.

Un de ces mercantis, séminariste défroqué, avait été homme de lettres et même secrétaire, non de Rochefort, comme on l’a écrit parfois, mais de son journal. Eugène Mourot était arrivé à l’île des Pins dans le plus grand