Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/72

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timents démocratiques ; du reste, intelligent, actif et n’ayant pas la langue dans sa poche. Clech, surveillant, travailleur et modeste, complétait le cadre métropolitain.

C’était juste assez pour assurer le service des premiers bureaux ouverts, et encore avait-on dû, à la presqu’île Ducos et à l’île Nou, confier la manipulation à deux surveillants. À la suite d’un voyage pédestre de reconnaissance, entrepris par Lemire tout le long de la côte, il fut décidé d’envelopper l’île d’un réseau circulaire, de créer des bureaux au delà d’Uaraï et de Canala, où s’arrêtait alors la communication télégraphique, et, pour cela, de recruter un personnel colonial. Trois ou quatre employés, deux ou trois surveillants des lignes et un facteur urbain, qui manquait d’urbanité autant que de tempérance, avaient déjà commencé l’apprentissage de leurs fonctions. Je vins compléter le nombre, avec deux des Marseillais du Var, rebutés de la colonisation agricole, et un brave garçon très fort en mathématiques mais que des malheurs avaient rendu Polonais, bien qu’il fût, je crois, du Maine-et-Loire. Nous prêtâmes le serment de garder fidèlement le secret de la correspondance et je me rappelle encore le trémolo ému avec lequel l’aîné des Marseillais prononça son « je le jure ! »

Trois mois environ s’étaient écoulés : la manipulation des appareils Moire et Bréguet n’avait plus de secrets pour nous ; peut-être ne nous avait-on pas assez accoutumés aux caprices des piles Leclanché, le soin de les monter et démonter étant réservé au seul Simonin ; mais, théoriquement, nous étions de bonne force ; la comptabilité était des plus aisées. On nous déclara bons pour partir dans la brousse.