Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/88

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la destruction des poux. Quelquefois, un turban d’écorce est enroulé, même chez les simples guerriers, autour de la toison : Nundo, lui, conscient de ses avantages physiques, dédaignait cet ornement. Il m’était réservé de faire, plus tard connaissance de cet Antinoüs bronzé ; pour le moment je fis celle de Gélima, auquel je trouvai bonne mine sous son uniforme de capitaine, de Pita, son jeune fils que je devais revoir un jour, en France, et de Kaké, lequel, après s’être fait payer largement la goutte, nous prêta six rameurs de sa tribu.

Nous avions l’embarcation du poste : une baleinière mâtée, dont l’unique voile devait seconder avantageusement les efforts de notre équipage, car le lundi matin, en quittant Canala, nous avions plein vent arrière. Les indigènes, dont la besogne était ainsi bien simplifiée, chantaient ces mélopées lentes et un peu mélancoliques, dont les paroles diffèrent parfois de celles usitées dans la langue courante. Simonin, assis près du gouvernail qu’il manipulait en marin consommé, me nommait les différents points en vue desquels nous passions.

Deux ou trois grains brouillèrent le ciel sans inquiéter sérieusement notre voyage. Vers les trois ou quatre heures, nous mouillâmes à Kua. L’unique colon de la localité était un ancien officier de marine, M. V***, qui avait excité la réprobation générale des gens bien pensants en choisissant pour compagne illégitime une jeune femme d’allures peu sélect. Ce brave homme ne s’en émouvait pas, estimant l’opinion publique à sa juste valeur. Il se trouvait, du reste, assez heureux, n’ayant pas pour la compagnie de ses semblables un goût immodéré. Son habitation manquait du confort européen, mais il possédait une superbe plantation de café.