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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/115

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c’est-à-dire de dernière classe, ayant déjà subi une condamnation. Cela lui valut d’être dirigé sur le pénitencier-dépôt où il demeura deux mois. Puis, élevé, grâce à son humilité et aux sentiments de dévotion qu’il feignait, à la 4e classe, il fut un beau jour envoyé au camp Est.

Jusqu’alors ses craintes ne s’étaient pas réalisées. Certes, les durs travaux de terrassement, exécutés sous un soleil flamboyant, l’insuffisance de nourriture, la brutalité des surveillants, lui faisaient une vie douloureuse. Combien lui paraissait dérisoire cette légende courant dans les prisons que pour les forçats la « Nouvelle » est un pays de cocagne !

Mais, du moins, il n’avait encore rencontré aucun de ceux qu’il craignait de revoir. Jamais même, depuis son arrivée à l’île Nou, il n’avait entendu prononcer le nom de l’un d’eux.

Et il arrivait à espérer qu’ils étaient morts, Galfe surtout. Ce dernier était tout jeune lorsque le bagne l’avait pris. Peut-être les souffrances morales plus encore que les souffrances matérielles l’avaient-elles emporté. Plus encore que pour les vieux bronzés par les luttes de la vie, le bagne est terrible pour les malheureux qui y échouent à vingt ans avec une passion au cœur : passion de femme ou passion d’idée. Et Galfe était possédé par les deux, puisqu’il aimait la Révolte et Céleste.

Peu à peu, Bernin en arrivait à caresser le rêve de la plupart des forçats : s’élever jusqu’à la 3e classe, à partir de laquelle se recrutent les garçons de famille (domestiques) et demeurer dans cet emploi jusqu’au moment où il obtiendrait la faveur d’être mis en concession dans la vallée de Bourail ou celle du Diahot. Ce serait alors la presque liberté et peut-être finirait-il par vivre, cultivateur, plus heureux que bien des paysans ou des ouvriers de France.

Cet espoir le soutenait et lui faisait prendre en patience les brutales promiscuités, les priapées