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vail, et, comme les deux troupes de condamnés se rapprochaient pour fraterniser, Bernin reçut soudain un choc dans tout son être. Dans un forçat jeune et maigre, dont le regard à la fois stupéfié et fulgurant le traversait comme un poignard, il venait de reconnaître Galfe !


V

À LA NOUVELLE !


Détras et Janteau étaient partis par le même convoi pour la Nouvelle-Calédonie. Au milieu de leur infortune, plus cruelle encore pour Détras, qui laissait sa malheureuse femme à la veille d’accoucher, ç’avait été pour eux une consolation d’être ensemble.

Règle générale, le forçat de droit commun voit d’abord avec hostilité le forçat politique, condamné non pour avoir étranglé des vieilles femmes ou violé des petites filles, mais pour avoir épousé une idée. La brute qui ne pense pas et n’a eu qu’un but : jouir en écrasant les autres, ressent comme un reproche vivant la promiscuité de l’être généreux et fier qui, vaincu mais non dompté, ne se prosternera pas, servile, devant le garde-chiourme.

Mais peu à peu l’esprit a sa revanche, il exerce une influence, une pénétration, et les brutes malfaisantes elles-mêmes en viennent à ressentir un certain respect pour celui-là dont elles jalousaient et haïssaient la supériorité intellectuelle.

Il en avait été ainsi pour Détras et Janteau, pour le premier surtout. Janteau, dont les ardeurs enthousiastes avaient été un feu de paille, se laissait aller depuis sa condamnation à des accès de désespoir auxquels succédaient des périodes de profond accablement.

— Courage ! lui disait Détras. Tu es jeune, tu