Page:Malato - La Grande Grève.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je ne peux pas ! gémit-il en retombant sur l’amas d’herbes sèches qui lui servait de couchette.

— Comment, tu ne peux pas ! ricana Carmellini. Nous allons bien voir ça !

Et il s’élança, « Joseph » à la main.

Les forçats, avec cette terreur du troupeau devant le maître, s’étaient éloignés.

Tous, sauf un : Albert Détras.

Celui-ci s’était placé dans un coin de la case, guettant Carmellini qui s’approchait.

Et Carmellini ne le voyait pas.

Le garde-chiourme leva son bâton.

— Une fois ! dit-il à Janteau… veux-tu te lever ?… Deux fois…

Il n’acheva pas : le poing fermé de Détras s’abattit sur son crâne avec tant de force que le misérable tomba sans même avoir reconnu son agresseur.

Avant que Carmellini eût pu reprendre conscience, Détras était sur lui, s’emparait du gourdin et en assénait un coup sur le crâne du surveillant qui, cette fois, tombait entièrement évanoui.

Janteau eut une exclamation indicible en voyant tomber près de lui son bourreau. Il se souleva et tendit les bras à son ami.

— Merci, murmura-t-il, tu m’as sauvé de cette brute.

Mais son mouvement et ces quelques mots achevèrent de l’épuiser. Il fût retombé à terre si Détras ne l’eût soutenu.

— Sauvé… mais pas pour longtemps ! ajouta Janteau d’une voix faible comme un souffle.

Un frisson secoua son corps qui se raidit ; ses yeux se convulsèrent, sa bouche s’ouvrit toute grande comme pour aspirer avidement l’air.

Il était mort !

Détras, profondément ému, baisa au front ce malheureux que la mort venait de libérer du bagne et le reposa doucement sur le sol.