Puis il envisagea rapidement la situation.
Que faire ? Attendre que Carmellini eût repris connaissance ? C’était se livrer à la mort de toutes manières, soit que le surveillant déchargeât sur lui son revolver, soit qu’il le livrât à la justice d’un conseil de guerre.
La justice ! Détras avait eu la preuve de ce qu’elle peut faire, alors qu’il était dans la vie dite libre. Que ne ferait-elle pas, alors qu’il était forçat ?
Attaque d’un surveillant militaire, c’était la mort, tout au moins les travaux forcés à perpétuité.
S’il voulait vivre, revoir un jour Geneviève et son enfant, il fallait qu’il s’évadât, coûte que coûte.
S’évader, Détras y avait déjà songé. Mais, outre qu’une évasion de la Nouvelle-Calédonie est autant dire impossible au condamné démuni d’argent, il eût voulu attendre le résultat d’une campagne en faveur de l’amnistie que Panuel, dans une récente lettre, lui annonçait à mots couverts.
Maintenant, il n’y avait plus à hésiter.
Détras commença par saisir le revolver et le gourdin de Carmellini ; puis il déshabilla en un clin d’œil le surveillant et se revêtit de sa chemise, de son gilet et de son pantalon, laissant dans la case son linge matriculé de forçat, qui l’eût fait reconnaître et arrêter.
De sa livrée du bagne, il ne garda que le chapeau de paille et les godillots.
Très heureusement pour lui, Carmellini de même que ses collègues en détachement dans la brousse, n’était pas vêtu à l’ordonnance. La chemise de laine, le pantalon et le gilet blanc qu’il portait pouvaient convenir à un colon aussi bien qu’à un surveillant militaire. Quant à la tunique galonnée d’argent, Détras la poussa du pied avec dégoût.
Pour gagner du temps, il bâillonna le garde-chiourme encore évanoui et, déchirant la vareuse qu’il avait quittée, lui lia les pieds et les mains. Il