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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/138

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Et lorsqu’elle eut accouché d’une fille, qu’elle nomma Berthe, parce que ce nom se rapprochait de celui d’Albert, Panuel vint la voir tous les jours, tant pour la consoler et l’assister que pour la défendre contre de nouvelles tentatives de l’abbé Firot. Celui-ci, qui réunissait dans la même haine Geneviève, Détras et Panuel, fit répandre le bruit que le menuisier était l’amant de la jeune femme.

La mère Bichu, cette vieille chiffonnière, curieuse, bavarde et méchante, mais pénétrée du respect de l’Église, fut le principal agent de cette infamie toute cléricale. Elle avait rapporté à l’abbé Firot les visites de Panuel chez Geneviève, et bien que le vicaire comprît quel sentiment de pure amitié poussée jusqu’au dévouement en était la cause, il leva les bras au ciel, s’écriant hypocritement :

— Seigneur ! Seigneur ! Jusqu’où peuvent aller vos créatures une fois qu’elles vous ont méconnu et que vous vous êtes détourné d’elles ? Quoi, cet homme, qui affectait d’être l’ami de ce malheureux Détras, profite de son absence pour suborner sa femme ! Que dis-je ? Cela devait exister déjà auparavant, car ces ménages immondes à trois, à quatre, à dix, c’est ce que les libres-penseurs glorifient et pratiquent sous le nom d’amour libre !

Qu’on juge si la mère Michu se priva d’aller colporter partout la calomnie du prêtre : la lubricité adultérine de Geneviève Détras et de Panuel, pour parler le langage de l’abbé Firot.

Le menuisier, qui, déjà, avait corrigé si rudement le galant tonsuré, n’était pas homme à se laisser intimider par ces bruits dont il ne tarda pas à avoir vent. Pour lui-même, il en eût haussé les épaules ou se fût borné à allonger quelques gifles. Mais il connaissait assez le cœur humain et l’esprit des petites villes pour se rendre compte que toute esclandre serait préjudiciable à la réputation de Geneviève. Que faire cependant ? Cesser d’aller chez la jeune femme,