Page:Malato - La Grande Grève.djvu/139

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c’était l’abandonner à la solitude, au désespoir ; c’était laisser le terrain libre à quelque nouvelle tentative perfide ou brutale, de l’abbé Firot.

La calotte demeurait maîtresse à Mersey. S’attaquer à elle, c’était se faire broyer ; le sort d’Albert Détras, coupable seulement d’avoir défendu son foyer et ses idées, le démontrait surabondamment. Panuel lui-même, malgré la sympathie et l’estime qui s’attachaient à lui dans cette ville où il demeurait depuis son enfance, voyait peu à peu sa clientèle l’abandonner par peur de la colère cléricale.

C’était, pour lui comme pour Geneviève, la misère et la famine qui se préparaient.

Il fallait aviser, prendre une décision avant qu’il fût trop tard.

Panuel connaissait à merveille la région et ses ressources. Que de fois, vers la fin de l’Empire ou sous le gouvernement du Seize-Mai, n’avait-il pas parcouru le département pour porter çà et là les instructions des comités républicains, stimuler le zèle des adhérents, raffermir les courages ! Il savait qu’en dehors des centres industriels comme Mersey et le Brisot, tyrannisés par les rois de l’or unis aux prêtres, il pourrait trouver des petits pays où il vivrait tranquille et peu à peu oublié de ses persécuteurs.

S’il eût été plus jeune et seul, peut-être fût-il resté à Mersey pour lutter. Mais il voyait s’approcher l’époque où sa puissance de travail diminuerait peu à peu, rendant l’avenir plus incertain encore et il avait pris la responsabilité d’assurer l’existence de Geneviève et de son enfant, qu’il aimait comme si elle eût été la sienne.

En conséquence, il proposa à la jeune femme de quitter Mersey. Il vendrait le peu qu’il possédait, n’emportant que son établi et ses outils ; elle vendrait ou louerait si possible sa maisonnette, et tous deux, réunissant ce mince avoir, iraient en amis et en associés, s’établir ailleurs. Justement, sur la route