Page:Malato - La Grande Grève.djvu/145

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d’arbres, sous l’étendue d’un beau ciel bleu, lui donnaient un aspect général d’idyllique repos. C’est là qu’on eût voulu vivre dans la paix de la nature et l’on comprenait que des religieux y eussent fondé autrefois une abbaye devenue célèbre, dont il ne restait plus que le souvenir.

Pourtant, aux approches d’élections, la petite ville calme s’enfiévrait comme les autres ; comme les autres elle connaissait les âpres compétitions, les racolages, les intimidations, les promesses et le coup des « manœuvres de la dernière heure ».

Deux partis y étaient en lutte depuis des années : celui des conservateurs et celui des rouges.

Sous tous les régimes politiques, monarchie, empire ou république, les conservateurs de Climy s’étaient montrés les mêmes ennemis des intérêts de la plèbe. Ennemis tantôt hypocrites, tantôt hautains, selon que le vent mollissait ou soufflait à l’orage, mais toujours féroces. Sous Louis-Philippe, ils s’appelaient royalistes ; sous Napoléon III, impérialistes ; sous la République mac-mahonienne, conservateurs tout court ; et depuis que, malgré les résistances, l’évolution s’était accentuée à gauche, ils s’étaient affublés de l’étiquette de républicains modérés ; seuls quelques-uns, trop classés à droite pour feindre, aussi modérément que ce fût, le républicanisme, continuaient à s’appeler conservateurs. Et aux élections, communales ou législatives, conservateurs et modérés faisaient généralement bloc.

Ceux qu’on appelait les rouges se rattachaient par la tradition et les tendances, mais avec un programme plus précisé, aux républicains du vieux temps. Lorsque la bourgeoisie soi-disant démocratique, en réalité oligarchique, fut arrivée aux affaires et eut montré un parfait mépris des revendications populaires, ils ajoutèrent pour se différencier d’elle à l’étiquette de républicains celle de « radicaux ».