Page:Malato - La Grande Grève.djvu/15

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Vaux, parlant peu, car le premier préparait son discours et le second respectait la méditation de son hôte.

De tous les points de la ville et des faubourgs, des mineurs se dirigeaient pareillement vers la forêt. Ils allaient par petits groupes et plus encore isolément, s’enfonçant et disparaissant soudain sous le rideau des halliers.

On savait que Chamot possédait sa police : Michet, qui sans travailler allant et venant des chantiers aux puits et des puits aux chantiers, était payé comme un contre-maître, sans compter les gratifications ; les frères Chenin, suspects à tous pour être vus fréquemment en sa compagnie ; puis quelques autres qu’on ne nommait pas, n’ayant sur eux que de vagues soupçons. Aussi fallait-il prendre ses précautions. Être signalé, c’était être renvoyé et un mineur renvoyé par Chamot pouvait aller loin et longtemps avant de trouver à s’embaucher.

Ronnot et ses amis les plus intimes, ceux qui, dès la première heure, s’étaient ralliés à son idée de société de secours mutuels, avaient individuellement prévenu leurs camarades, n’excluant que les suspects ou les ivrognes sur la discrétion desquels on ne pouvait compter.

Malgré tout, il est bien difficile qu’un secret confié à plusieurs centaines d’individus soit fidèlement gardé. Aussi, au moment même où le coup de sifflet de Ronnot faisait surgir des profondeurs de la forêt, comme une légion de spectres, toute une armée de mineurs, une figure inquiète, celle de Michet, émergeait-elle du feuillage épais d’un vieux chêne.

Installé à califourchon sur une grosse branche, le mouchard Michet pouvait embrasser d’un coup d’œil circulaire le rassemblement des mineurs, voir sans être vu.

Devant lui s’étendait une clairière entourée d’un épais rempart d’arbres et de hautes broussailles.