Il montra ces seigneurs du capital s’emparant de plus en plus de la région, dépossédant ici les producteurs agricoles, là les fabricants, les petits marchands, écrasés par la concurrence des ouvroirs, des cantines où les serfs étaient obligés de se fournir sous peine de renvoi.
— Comment résister à la féodalité qui s’est reformée depuis 1789 ? s’écria-t-il. Féodalité du coffre-fort, plus rapace que celle du blason ! Comment ? Par le faisceau de toutes les forces populaires ; par l’union des groupements ouvriers et des communes, embryons de la future république sociale. La solution radicale interviendra plus tard, mais il faut la préparer : commençons donc par nous emparer des rouages communaux qui sont à notre portée.
Après avoir ainsi exposé la situation d’ensemble, il analysa ce qu’avait été l’administration municipale à Climy, ce qu’elle devait et pouvait être, car s’il est bon d’embrasser du regard un vaste horizon, il faut aussi voir à ses pieds et autour de soi. Il dit le surcroît de ressources et de bien-être que pouvait développer dans la commune une administration intelligente.
Ce discours, commencé devant une trentaine de personnes, finit devant deux cents, au milieu des acclamations enthousiastes.
Lorsque Paryn, après avoir ainsi parlé d’improvisation pendant une demi-heure, redescendit de la borne qui lui avait servi de tribune, Raulin s’approcha de lui et, riant, lui dit :
— C’est très bien, citoyen, très bien, d’autant plus que vous n’avez même pas prononcé le nom de votre adversaire.
— À quoi bon ? répondit le docteur. Ceci est une lutte d’idées et non de personnes. On votera pour moi si l’on veut : j’ai dit tout simplement ce que je pensais.