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IX

CE QU’ÉTAIT DEVENUE CÉLESTE


La multiplicité des événements et des personnages nous oblige à abandonner tels de nos héros pour aller aux autres. Aussi avons-nous dû, depuis longtemps, perdre de vue Céleste Narin.

Nous avons quitté la jeune fille au moment où, accablée par la condamnation de son amant, pourchassée par le misérable commissaire de Mersey, brute autoritaire doublée d’un satyre alcoolique, elle s’était enfuie dans les bois.

Où allait-elle ? Au hasard, devant elle, sans savoir.

Ce ne fut que lorsqu’elle eut marché ou plutôt couru pendant plus d’un quart d’heure qu’elle s’arrêta pour reprendre ses esprits.

Céleste se trouvait arrivée à un carrefour de la forêt où se croisaient trois routes. Au centre, un poteau indicateur à double plaque, orientant ses flèches dans les trois directions, portait :

Route de Véran (c’était au nord) ; Bois de Saint-Ambre et Les Bergiers (c’était à l’ouest) ; Mersey et Jagey (c’était au sud).

Céleste se détourna de cette dernière direction : c’était Mersey qu’elle voulait fuir, Mersey où elle avait été si heureuse et si malheureuse, Mersey où elle avait voulu se suicider, où elle avait aimé et où maintenant, seule au monde, elle n’avait plus une pierre pour reposer sa tête !

Qu’allait-elle devenir ? Qu’allait-elle faire ?

Si poignantes que soient les douleurs morales, le besoin de conservation, le plus impérieux que connaisse la nature humaine, finit par reprendre ses droits. Céleste, qui n’avait pas mangé depuis la veille, fut étonnée de sentir les protestations de son estomac.