Page:Malato - La Grande Grève.djvu/162

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— J’accepte, répondit Céleste.

C’était l’esclavage, mais c’était la vie la plus matérielle, manger et coucher, assurée.

Quelle vie !

Tout de suite la jeune fille fut mise aux grosses besognes : traîner les brouettes, bêcher, laver le plancher, lessiver. La Martine, traitée en animal domestique qu’on rudoie de la parole sinon du geste, fut satisfaite, sa première inquiétude passée, d’avoir auprès d’elle une aide à laquelle elle pût donner des ordres, se déchargeant sans hésitation sur elle de tous les travaux pénibles. C’était une revanche de son abaissement, la revanche sur l’être faible, habituelle aux lâches et aux brutes.

En entrant au service de Pierre Mayré, Céleste Narin avait prudemment changé de nom, prenant celui de Lucette Rénois. Lucette était son second prénom ; Rénois était le nom de sa mère.

— Allons, la Lucette, à l’étable, feignante ! criait la Martine. Les vaches ne sont pas encore tirées.

Ou bien :

— Qu’est-ce qu’elle fiche donc, cette couleuvre ? Les foins n’ont pas encore été rentrés et le temps est à la pluie.

Céleste se hâtait sans répondre, espérant finir par désarmer son bourreau. Mais celui-ci demeurait d’autant plus inlassable qu’il n’avait pas conscience de sa cruauté.

Pierre Mayré observait et laissait faire, la chose pour lui n’ayant pas d’importance. D’ailleurs, il s’abstenait de rudoyer lui-même sa nouvelle servante dont il constatait la bonne volonté. Peut-être était-ce cette circonstance qui irritait la Martine.

Jacqueline, la femme du fermier, était une créature silencieuse, ni bonne ni méchante, ne quittant son aiguille que pour surveiller la cuisine ou la basse-cour. C’était surtout à elle qu’on eût pu appli-