Page:Malato - La Grande Grève.djvu/166

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culièrement de l’enseignement dont il faisait valoir l’importance primordiale dans un pays démocratique.

De la sorte le journal s’identifiait peu à peu à lui. Depuis un an, il en était même devenu actionnaire. Il se trouvait tout naturellement sur le chemin de la direction.

Des Gourdes savait tout cela, sa femme aussi. Leur police, habilement dirigée par Moschin, ne se contentait pas de moucharder les mineurs de Mersey et du Pranzy, elle opérait en dehors de ce fief et enveloppait Paryn, à Climy même, d’un savant réseau d’espionnage.

— Savez-vous ce que vous devriez faire, Raoul ? demanda la baronne des Gourdes.

— Non. Quelle est votre idée ?

— Puisque la campagne de la Gazette et tous vos efforts ont été impuissants à empêcher l’élection de Paryn, eh bien, laissez-le s’élever encore un peu : sa chute n’en sera que plus mortelle.

— S’élever ! Pas jusqu’à la députation, j’imagine !

— Non, mais jusqu’à la direction de l’Union populaire. Seul, il était invulnérable ; une fois son existence et sa fortune liées à la fortune et à l’existence d’un quotidien, il sera à votre merci. Un journal, mon cher, c’est une arme, mais quelquefois aussi c’est un gouffre.

— L’Union populaire est un journal exécrable ; néanmoins, ou à cause de cela, il a une réputation bien assise et une bonne clientèle.

— On peut lui faire perdre l’une et l’autre, le tuer sous les procès. La rédaction d’un journal ne peut toujours être sur ses gardes comme un individu. Quoi de plus facile que de faire glisser un article diffamatoire, une information calomnieuse, de s’entendre avec le marchand de papier, de suborner les dépositaires, de terroriser les vendeurs ? Tout cela nous est facile puisque nous avons de l’argent et que