Page:Malato - La Grande Grève.djvu/176

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Deux sentiments luttaient en elle, l’espoir et la douleur.

L’espoir, car elle se disait qu’Albert, échappé aux gardes-chiourmes, pourrait arriver à revoir la vieille Europe et, dans ce cas, lui reviendrait. Elle ne doutait pas de son affection.

La douleur, car elle se disait aussi que son mari avait dû succomber dans quelque drame ignoré, au lendemain de son évasion. Trop d’années maintenant avaient passé, sans qu’il eût donné signe de vie, pour qu’on pût le croire encore de ce monde.

— Panuel, dit Geneviève, cessez de me parler par lambeaux de phrases. Vous voyez que je suis forte : apprenez-moi tout ce que vous savez.

Le menuisier, alors, raconta à Mme  Détras comment il avait pu trouver un correspondant qui se chargeât de le renseigner. Puis, tirant de sa poche la lettre d’Arsène Montal, il lut tout haut :

« Je vous dirai qu’il ne m’a pas été facile de savoir la vérité au sujet d’Albert Détras. À Bouloupari, j’ai bien essayé d’interroger quelques forçats du camp, mais aucun ne se rappelait l’avoir connu. Ou bien, s’ils savaient quelque chose, ils se taisaient. Moi-même je ne pouvais avoir que de rares rapports avec eux, parce qu’il nous était défendu de leur causer.

« Quant aux surveillants-militaires, ils affectent de se croire supérieurs aux soldats. D’autre part, nos officiers ne les fréquentent point et ils ne sont pas aimés de nos sous-officiers. Pour cette raison, je n’ai rien pu savoir d’eux.

« Pourtant le camp de Bouraké où, d’après les renseignements que vous m’avez fournis, Détras se trouvait en dernier lieu, n’est pas éloigné de Bouloupari. Aussi j’enrageais de me savoir près de l’endroit d’où le malheureux a disparu et d’être impuissant à trouver trace de lui.

« Enfin, nous sommes entrés à Nouméa et j’ai lié