Page:Malato - La Grande Grève.djvu/184

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savoureuses. Et n’eussent-elles pas été savoureuses, c’était un plat quelconque.

Seulement comme engins de pêche Détras ne possédait que ses mains. Une idée très ingénieuse lui vint : il enleva son pantalon, ferma par un nœud l’extrémité inférieure des deux jambes et maintenant la ceinture ouverte par des baguettes recourbées, il disposa le vêtement à la surface de l’eau en guise de filet, après avoir établi tout autour un barrage avec de grosses pierres.

Alors, entrant à nouveau dans l’eau, à quelque distance en amont et l’agitant de ses mains, il chassa devant lui les crustacés.

Lorsqu’il enleva son pantalon, il y trouva emprisonnés une demi-douzaine de koulas et deux poissons argentés, longs comme le pouce. C’était peu ; néanmoins cela valait mieux que rien. Seulement, faute de combustible, Détras dut dévorer sa pêche toute crue.

Peut-être le Ouitchambô offrirait-il des ressources supérieures. L’évadé entrevoyait le massif et ses contreforts : il s’y dirigea par une marche pénible à travers broussailles et précipices. Lorsque, un peu avant le coucher du soleil, il eut atteint le flanc du mont, il se laissa tomber à terre, épuisé ; la sueur ruisselait à grosses gouttes sur son visage.

Autour de lui s’élevaient des roches basaltiques, des pics surplombant presque perpendiculairement des ravines. Une végétation, formée surtout de fougères arborescentes, s’étendait au long des pentes escarpées où des torrents avaient creusé leur lit maintenant desséché. En bas, dans les gorges, on apercevait comme de mystérieux fantômes, des bouquets de niaoulis au tronc argenté et au feuillage vert-sombre ; de-ci de-là, les dominant comme un géant, s’élançait, droit vers le ciel, quelque pin colonnaire. Plus loin, c’étaient d’inextricables rideaux de lianes.