Page:Malato - La Grande Grève.djvu/218

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blanchi sous le soleil des tropiques. Justin, ébloui, salua derechef.

— Continuez, fit Détras, ce que vous dites m’intéresse et même, s’il y avait une auberge sur notre route, je vous inviterais à y boire une chopine avec moi, car la marche m’a donné soif.

— J’en connais une, s’écria vivement Justin, à dix minutes d’ici, le restaurant Chenet, au bois de Varne. Vous pourrez y trouver à boire, manger et coucher.

— Allons-y, fit Détras qui, dans l’effondrement de ses espérances, se raccrochait instinctivement à Justin.

Le restaurant Chenet ! Que de choses — toute une vie passée ! — lui remémorait ce nom ! C’était là que, bien des fois, avec Geneviève, il était venu s’asseoir le dimanche, sous les bosquets, en écoutant gazouiller les oiseaux. C’était là que, le 14 juillet, un mois avant la catastrophe, tous deux, accompagnés de leurs amis, Panuel, Ronnot, Vilaud, Janteau, Jaillot et leurs familles, étaient venus célébrer la fête de la République et boire à l’avenir.

Et maintenant Geneviève et Panuel étaient disparus, Janteau mort au bagne ; Ronnot, Vilaud, Jaillot, il ne savait ce que le temps avait fait d’eux et craignait presque de l’apprendre. La République avait fait de lui un forçat, de sa femme et de sa fille deux malheureuses ; l’avenir avait été le bagne, la misère, le désespoir !

Chemin faisant, Justin, sans nul besoin d’y être incité, contait l’histoire de la bande noire, avec force détails terrifiants et imaginaires, car dans le pays cette histoire avait fini par devenir une légende. Mais au milieu de toutes les exagérations et inventions, Détras pouvait reconstituer la vérité.

Ainsi il apprit ce qui s’était passé au lendemain de son départ pour la Nouvelle-Calédonie : Ronnot était mort — et il en éprouva un profond serrement de