Cette double circonstance fut heureuse pour le fugitif.
Détras, ayant traversé le village canaque sans rencontrer d’autres êtres vivants qu’une vieille popinée[1], deux ou trois enfants et un poca[2] apprivoisé, arriva devant la case consacrée à Jéhovah et à Mercure.
Nundo, béat comme le patriarche Noé et presque aussi peu vêtu, fumait sa pipe, accroupi sur le seuil.
— Bonjour, dit-il à Détras, toi viens de loin ?
— Oui, fit sans hésitation l’évadé.
— Pantalon à toi déchiré, toi marché dans la brousse ?
— Oui.
— Pourquoi toi pas suivre la route ?
— Moi mineur, aller prospect[3], répondit l’évadé en petit nègre.
— Où sont outils à toi ?
— Moi laissé outils dans la montagne, venu acheter caïcaï[4].
— Ferais bien acheter aussi un pantalon. Si tu veux, moi vendre.
— Toi as un store[5].
— Oui, moi tenir store père Morris, quand lui pas à Bourendy.
Bourendy, ce nom orientait et rassurait Détras. Il se trouvait en pays canaque et, à condition de bien jouer son rôle, pourrait se tirer d’affaire. Toutefois, il fallait éviter d’éveiller la suspicion des indigènes, car ceux-ci, alléchés par la prime de vingt-cinq francs