Page:Malato - La Grande Grève.djvu/228

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Cette double circonstance fut heureuse pour le fugitif.

Détras, ayant traversé le village canaque sans rencontrer d’autres êtres vivants qu’une vieille popinée[1], deux ou trois enfants et un poca[2] apprivoisé, arriva devant la case consacrée à Jéhovah et à Mercure.

Nundo, béat comme le patriarche Noé et presque aussi peu vêtu, fumait sa pipe, accroupi sur le seuil.

— Bonjour, dit-il à Détras, toi viens de loin ?

— Oui, fit sans hésitation l’évadé.

— Pantalon à toi déchiré, toi marché dans la brousse ?

— Oui.

— Pourquoi toi pas suivre la route ?

— Moi mineur, aller prospect[3], répondit l’évadé en petit nègre.

— Où sont outils à toi ?

— Moi laissé outils dans la montagne, venu acheter caïcaï[4].

— Ferais bien acheter aussi un pantalon. Si tu veux, moi vendre.

— Toi as un store[5].

— Oui, moi tenir store père Morris, quand lui pas à Bourendy.

Bourendy, ce nom orientait et rassurait Détras. Il se trouvait en pays canaque et, à condition de bien jouer son rôle, pourrait se tirer d’affaire. Toutefois, il fallait éviter d’éveiller la suspicion des indigènes, car ceux-ci, alléchés par la prime de vingt-cinq francs

  1. Femme canaque.
  2. Cochon (corruption de porc).
  3. Prospect, mot anglais entré dans le langage néo-calédonien, recherche des filons miniers.
  4. Caïcaï, mot d’origine océanienne, manger.
  5. Magasin.