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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/227

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Ses vêtements étaient lacérés, presque en lambeaux. Son seul aspect devait exciter les suspicions de l’autorité, si peu intelligente fût-elle, et lui faire demander ses papiers.

Or des papiers, Détras n’en avait pas.

Par contre, il avait conservé soigneusement, au milieu de toutes les péripéties, les cinquante-trois francs, la montre et le revolver chargé de Carmellini.

Quant à « Joseph », il l’avait abandonné sans hésitation dans la ravine.

Très heureusement pour lui, il débouchait sur un point du littoral où le seul habitant européen — habitant occasionnel — était le missionnaire mariste de Thio.

Deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, cet ecclésiastique, le père Morris, se rendait à Bourendy pour y confesser les Canaques et leur vendre, après célébration du saint sacrifice de la messe, des marchandises de plus ou moins bonne qualité.

Ceci n’est nullement une exagération : en Nouvelle-Calédonie comme dans la plupart des colonies, les représentants du Père éternel se livrent fructueusement au commerce.

Et comme ils ne paient point patente, ils peuvent écouler la marchandise meilleur marché que leurs concurrents profanes.

Seulement, par un distinguo subtil, ils ne vendent pas, ce qui les classerait commerçants ; ils cèdent, ayant, comme le père de M. Jourdain, la délicatesse d’accepter de l’argent pour ne pas humilier les acheteurs.

Le père Morris ne se trouvait pas à Bourendy ce jour-là, et le Canaque Nundo, son factotum laissé à la garde de la case qui servait à la fois de chapelle et de comptoir, était, bien que fervent chrétien, sous l’influence d’une trop copieuse absorption de tafia.