Page:Malato - La Grande Grève.djvu/238

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— Ah ! certes non.

Ces trois mots furent dits dans une explosion de tout son cœur, tandis que Moschin, pâle de rage, serrant les poings et s’incrustant les ongles dans sa chair, se demandait comment il avait pu accepter un pareil ouvrier.

Cependant Bernard se disait que son destin était fixé et que le renvoi inévitable l’attendait, quoi qu’il pût faire. Aussi, éprouvant le besoin de soulager son cœur, il vidait maintenant, sans crainte, sans hésitation, comme sans violence de langage, tout ce qu’il avait amassé en lui de sentiments et d’idées. Il exposait la vie de bêtes de somme des mineurs, de ces déshérités qui avaient le même droit que les riches à la jouissance de la terre, notre mère commune, et de ses produits. Il énumérait les tracasseries innombrables, les actes arbitraires dont ils étaient constamment victimes de la part des surveillants et des employés de la direction, les retenues injustifiées de salaire, les vols déguisés ou même quelquefois ouverts du comptable Troubon, l’inquisition cléricale qui pesait sur leurs familles, l’exploitation ignominieuse dans les ouvroirs, repaires édifiés sous couleur de charité.

Moschin l’écoutait sans l’interrompre, avec beaucoup d’intérêt. Il entendait Bernard se faire l’écho conscient de toutes les rancunes qui germaient ou grondaient sourdement au cœur des mineurs. Et, en même temps, il retrouvait dans ces revendications contre la tyrannie capitaliste celles que, dix ans auparavant, il faisait entendre lui-même, plein de fougue et de haine, dans les réunions publiques.

En le Bernard de maintenant revivait le Moschin d’autrefois.

Le chef policier avait eu un instant la velléité de proposer au mineur de se faire le mouchard de ses camarades. Mais, après l’avoir entendu pendant