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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/240

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Quoi, était-ce pour cela, pour le livrer aux suspicions outrageantes de ses camarades, suspicions qu’il sentait gronder et près d’éclater, que le policier du baron des Gourdes, dérisoirement généreux, lui avait fait la grâce de le garder à la mine ?


XVIII

L’AMOUR AUX CHAMPS


Les époux Mayré, avons-nous dit, attendaient le retour de leur fils qui, libérable du service militaire, devait revenir bientôt à Véran.

Bien qu’elle ne connût ce jeune homme que pour avoir entendu ses parents parler de lui en l’appelant « notre Jean », Céleste n’avait pu se défendre d’une appréhension instinctive.

Non seulement parce qu’avec deux bras vigoureux venant s’adjoindre à ceux de Pierre Mayré et de la Martine il était possible qu’on la renvoyât, n’ayant plus besoin d’elle, mais aussi parce que ce jeune homme qui allait venir serait pour elle, si on la gardait, un maître de plus,

Que serait ce maître ? Violent ou sournois ? Grossier ou cupide ? Céleste savait par expérience ce que valent les patrons terriens, qui considèrent leurs garçons et filles de ferme non comme des êtres humains, mais comme de véritables bêtes de somme.

Elle se rappelait les brutes aux instincts violents auxquelles elle avait dû résister ou devant lesquelles, épouvantée, elle avait dû s’enfuir.

Jean Mayré arriva. Grand et solide garçon, un peu plus « dégourdi » qu’à son départ pour le régiment, l’air décidé, confiant en lui-même, la parole facile avec un certain ton de commandement.

Il embrassa ses parents sans beaucoup plus d’émotion que s’il les eût quittés la veille, content tout de