Page:Malato - La Grande Grève.djvu/242

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— C’est la Lucette, répondit la mère. Il y a quasiment un mois qu’elle est à notre service.

Jean Mayré se remit dès le lendemain à la terre comme avant son départ pour le régiment. C’était un vigoureux travailleur, sérieux et qui ne s’interrompait point dans sa besogne. À midi, une demi-heure lui suffisait pour boire un coup en mangeant un morceau de lard froid ou de fromage. Mais le soir, à la table commune, devant la grande soupière fumante de soupe aux légumes, il commençait à causer, disant ses souvenirs du régiment, racontant des histoires naïves plutôt que drôles et que pourtant sa mère écoutait avec admiration, son père avec un sourire et la Martine en s’efforçant de rire à chaque mot pour plaire au fils du maître.

Quant à Céleste, son esprit était bien loin : il suivait Galfe.

Deux fois, elle était retournée à Chôlon, pour le compte du fermier et, chaque fois, avait couru directement au bureau de poste, demander si une lettre l’attendait. Hélas ! il n’y avait pas de lettre !

Chaque fois aussi, elle écrivit et même, n’y tenant plus, supposant que les réponses de Galfe étaient interceptées parce qu’elle n’indiquait pas son adresse, elle se décida coûte que coûte à donner celle-ci : « Céleste Narin, aux soins de Mlle  Lucette Rénois, chez M. Pierre Mayré, Véran. »

C’était son pain quotidien qu’elle risquait, mais rien ne vint. La police même s’abstint de venir tracasser la jeune fille qui cessait ainsi de cacher sa résidence.

Les lettres de Céleste, décachetées, étaient purement et simplement jointes au dossier du condamné.

Jean remarquait avec un certain étonnement que ses contes de caserne, qui faisaient l’admiration de ses parents et de la Martine, laissaient Céleste absolument froide,

— Elle est sérieuse ! pensait-il.