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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/246

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— Vous n’avez aucun droit sur ma personne, fit-elle. Vous pouvez me renvoyer si vous voulez, je partirai.

Jean eut un violent mouvement de colère ; il fit un pas, le poing crispé, puis s’arrêta : ces deux mots : « Je partirai », l’étourdissaient et le troublaient d’une sensation d’angoisse.

Non, avant tout, il ne fallait pas qu’elle partît ! Il sentait que le choc eût été pour lui trop rude.

Il tourna le dos, momentanément dompté, et s’éloigna d’un air sombre.

Céleste était demeurée toute frémissante, terriblement secouée par cette scène. Pour le moment, l’assaillant brutal avait été repoussé, mais ne reviendrait-il pas bientôt à la charge ?

Elle demeura pensive, en proie aux pires inquiétudes et, sa journée finie, alla s’asseoir à la table commune, à côté de la Martine, mangeant sa soupe sans dire un mot. Du reste, elle n’était guère loquace les autres fois, ne parlant que lorsqu’on l’interrogeait.

Le lendemain, Jean n’adressa pas la parole à Céleste.

Deux autres jours s’écoulèrent sans qu’il lui parlât, et déjà la jeune fille espérait qu’il la laisserait peut-être tranquille, lorsqu’il l’aborda de nouveau à l’improviste, lui demandant sans autre préambule :

— Alors, c’est sérieux ?

— Oui, répondit gravement Céleste, dédaignant de feindre la non-compréhension.

Jean lui saisit le bras.

— Et si je voulais quand même ? lui souffla-t-il dans le visage, cherchant à l’embrasser.

Elle se débattit et si désespérément que, surpris, il la lâcha. Non, ce n’étaient pas là les manières d’une fille qui, par calcul ou coquetterie, fait seulement semblant de se défendre. Elle était sincère dans sa résistance.