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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/248

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Jean, cependant, demeurait taciturne, non seulement avec Céleste, mais avec tous. Une fois le travail des champs fini, il allait s’attabler avec les autres, dans la grande salle, et mangeait, échangeant à peine quelques monosyllabes avec son père. Finies les joyeuses histoires de caserne, les récits sans cesse réédités des mêmes naïvetés grossières que la mère Mayré et la Martine écoutaient bouche bée, tandis que le fermier fumait sa pipe d’un air de bonne humeur !

À la fin, les époux Mayré s’inquiétèrent de ce mutisme chagrin dont ils comprenaient bien la cause. Ils échangèrent leurs idées : « Vraiment leur fils était bien bon de se faire du mauvais sang pour une servante qui lui résistait ! » Quant à celle-ci, elle y mettait tout de même trop de persistance : les fermiers comprenaient bien et approuvaient une fille qui ne cédait pas du premier coup ; ils n’eussent pas aimé une gourgandine qui se fût jetée à la tête de leur garçon ; mais il y a une limite à tout. Puisque la Lucette n’était qu’une servante, sans un sou vaillant, elle n’avait pas à tant faire la fière comme une demoiselle ou une villageoise ayant des écus au soleil.

— Peut-être qu’elle a peur que je la fiche à la porte ! conclut Pierre Mayré. Elle ne comprend pas que je fermerais les yeux.

Il accompagna ces paroles d’un haussement d’épaules et sa femme poussa un soupir. Tous deux aimaient leur fils et se sentaient mécontents qu’un entêtement de jeune fille le rendît chagrin.

— Que veux-tu ? dit le père Mayré à Jean, un soir que celui-ci paraissait encore plus soucieux que d’habitude. C’est une sotte, mais tu es bien bon de t’en tourmenter : les filles ne manquent pas.

Jean secoua la tête.

— Non, murmura-t-il entre ses dents. C’est celle-là que je veux… pas d’autre.