Page:Malato - La Grande Grève.djvu/262

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et de clairvoyance. Mais cela n’était que le possible, non le certain. Par contre, il se disait que les agents de Moschin trouveraient le champ libre et réussiraient peut-être à briser le groupement ouvrier qui avait tenu bon jusque-là.

Car il y avait certainement des mouchards dans le syndicat. C’était pour échapper à leur piège que, celui-ci se maintenant dans la voie de la légalité et de la modération, Bernard se bornait à y chercher les camarades capables de le comprendre pour les catéchiser dans des causeries intimes. Grâce à sa circonspection, il avait réussi à maintenir avec eux une sorte de groupement amorphe et ignoré jusqu’au jour où le hasard amena Moschin à la réunion du Fier Lapin.

Le hasard ! Était-ce bien le hasard ou quelque être matériel qui avait conduit le chef policier vers ce cabaret au moment où Bernard et ses compagnons discutaient de l’organisation d’une réunion publique ?

Le mineur ne soupçonnait aucun de ceux qui s’étaient réunis au Fier Lapin, puisque tous avaient été frappés de renvoi. D’ailleurs, convoqués individuellement et au dernier moment, ils ignoraient eux-mêmes qu’ils allaient se trouver là si nombreux et pour y débattre semblable sujet. Le cabaretier avait-il lui-même prévenu Moschin ? Bernard eut bientôt la preuve du contraire, un avis notifié par la Direction aux ouvriers défendant à ceux-ci l’accès du cabaret, car tels étaient les droits que s’arrogeait la Compagnie.

Qui donc avait pu avertir Moschin ?

Instinctivement, sans savoir pourquoi, les soupçons de Bernard se portaient sur Canul.

Il se trompait sur ce point, bien qu’il n’eût pas tort de le soupçonner de mouchardage.

Canul, qui travaillait aux mines de Mersey depuis cinq ans — il ne dépassait pas la trentaine — avait été pendant assez longtemps un ouvrier ni meilleur