Page:Malato - La Grande Grève.djvu/266

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chin qu’il n’avait pas démérité de sa confiance le portait à blanchir Bernard.

— Ah ! c’est un zéro ! gronda le chef de la police de Mersey. Eh bien, savez-vous ce qu’il a fait, ce zéro ? Il a rassemblé tantôt, au Fier Lapin, quarante chenapans de son espèce pour préparer ici une réunion publique.

— Une réunion publique à Mersey !

Il y avait dans cette exclamation la stupeur que cause l’annonce d’une chose impossible. Et, en effet, c’était chose impossible ou tout au moins incroyable qu’une réunion publique dans la ville courbée sous la tyrannie patronale et où jusqu’alors il n’y avait eu que des assemblées syndicales strictement privées.

— Eh bien, fit Moschin, que dites-vous de cela ?

Canul demeurait atterré : une rage l’envahissait contre ce Bernard qu’il n’avait pas su reconnaître et qui lui valait pareille semonce, un affront et peut-être une disgrâce.

— Le cochon ! murmura-t-il, un éclair dans les yeux. Si jamais il me tombe sous la coupe !…

Moschin lut sur le visage du mouchard que cette haine était sincère. Il se dit que mieux valait l’utiliser en offrant à l’homme la possibilité d’une revanche que de faire appel à un autre qui n’apporterait peut-être qu’un zèle ordinaire dans l’accomplissement de sa mission.

— Je devrais vous foutre à la porte carrément, dit-il, mais je veux bien vous pardonner pour cette fois.

— Oh ! merci, fit vivement Canul. Je ferai tout…

— Je l’espère bien. Assez de mots. Il y a derrière la maison de Bernard, aux Mouettes, une cahute inhabitée, qui appartient à la Compagnie ; il faut que, pas plus tard qu’après-demain, vous y soyez emménagé avec votre femme pour surveiller tous deux le particulier.

— Ce sera fait.