Nous l’avons abandonnée aux bras de Jean Mayré qui, dans un affolement fait à la fois d’exaspération et de rut, s’était précipité sur elle inconsciemment. Peut-être l’eût-il battue, cette servante qui surgissait comme une espionne au moment même où, dans l’obscurité, il cherchait Céleste. Sa ruée sur elle avait été brutale, mais tout de suite le contact de la chair l’aveugla : il assouvit sur la Martine la rage d’amour qu’il n’avait pu satisfaire sur la fugitive.
D’instinct, la servante était allée au-devant de cet outrage, heureuse de le subir après l’avoir longtemps attendu en vain.
Ce n’était pas seulement le sexe qui parlait en elle, réclamant la satisfaction d’un besoin aussi impérieux chez la fille des champs que chez la mondaine des grandes villes.
C’était aussi une revanche de jalousie et d’orgueil. Pendant des mois, Céleste l’avait éclipsée de sa beauté et de sa grâce naturelle ; pendant des semaines, Jean avait donné la préférence à cette étrangère, humiliant la Martine de ses dédains, la trouvant laide. Maintenant, elle le tenait contre sa poitrine, dans ses bras, lui, le maître, anéanti, tout son orgueil, toute sa colère s’étant fondus en accablement. Dans sa prostration, c’était le mâle impérieux qui demeurait vaincu.
Jean s’éloigna, stupide, de cette fille qu’il avait violée, mais la chose ne devait pas en rester là.
Une idée d’ambition démesurée germait dans la tête de la Martine, celle de devenir la femme du jeune fermier.
Toujours aux aguets, elle avait su jusqu’où était allée la passion de Jean pour l’autre, à une demande en mariage que la Lucette avait été assez folle pour rejeter.
Puisque le fils Mayré était capable de s’abaisser jusqu’à épouser une servante, pourquoi ne serait-ce pas elle aussi bien que cette autre ? Est-ce qu’elle ne