Page:Malato - La Grande Grève.djvu/310

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Un nom était gravé dans sa tête, celui du pays lointain où des méchants avaient envoyé son père : la Nouvelle-Calédonie.

Elle eût voulu savoir quelle distance séparait cette terre de la localité où elle vivait entre sa mère et son grand ami. Combien de temps fallait-il marcher pour accomplir le voyage ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Son père s’était évadé, il y avait déjà longtemps, plusieurs années, comment se faisait-il qu’il ne fût pas encore de retour ? Sans doute, avait-il été retenu en route, car il ne pouvait lui venir à l’idée qu’il fût mort.

Une idée germait en elle : quand elle serait plus grande, si son père n’était pas revenu, elle partirait en Nouvelle-Calédonie pour avoir de ses nouvelles et le chercher là où il était.

Comme elle était arrivée à mi-chemin de Gênac à l’Étoile solitaire, elle vit, des bouquets d’arbres qui longeaient la route, surgir un individu.

Cet homme, vêtu d’un complet bleu mi-citadin, mi-campagnard et coiffé d’un chapeau melon, avait une physionomie des moins avenantes : une figure rousse et grêlée, trouée d’yeux vifs exprimant la ruse. Il portait à la main un solide gourdin.

Berthe n’était pas peureuse. Sa mère et Panuel lui avaient appris à ne rien redouter des périls chimériques que se forge l’imagination, surtout au milieu des ténèbres ; ils lui avaient dit d’être douce et bonne avec ses camarades, mais de ne jamais se laisser molester sans se défendre.

Toutefois, cet individu avait si fâcheuse apparence que Berthe s’écarta instinctivement pour le laisser passer comme il se dirigeait, lui aussi, vers l’Étoile solitaire.

En apercevant l’enfant, l’homme avait eu un sourire railleur et cruel, sourire fugitif, mais que Berthe aperçut et qui augmenta sa répulsion.