Page:Malato - La Grande Grève.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

concluent à l’illogisme de la vengeance et dénient le droit de punir ! Libre à eux !

Mais lui, qui avait souffert silencieusement pendant tant d’années avec la vision de sa femme et de son enfant perdues pour lui, malheureuses, exposées à tout ; lui, qui avait dû faire appel à toute son énergie pour étouffer ses cris de douleur, qu’il pardonnât à l’abbé Firot, jamais !

Quelques jours après son arrivée à l’Étoile solitaire, Détras dit à sa femme et à Panuel :

— Il faut que je vous quitte, mais, rassurez-vous, ce ne sera pas pour dix ans, cette fois. Pour une semaine peut-être. Nous nous retrouverons à Bruxelles.

— À Bruxelles ! exclama Geneviève.

Puis réfléchissant :

— C’est vrai, ajouta-t-elle aussitôt. J’oubliais ! J’oubliais les mouchards, les gendarmes, la loi ! J’oubliais notre situation ! Eh bien, partons ! Soit à Bruxelles, soit ailleurs, que nous importe ! Notre pays, c’est le monde !

— À Bruxelles, expliqua Détras, nous pourrons vivre tranquillement, sans être molestés. L’argent qui me reste et les quelques sous que produira la vente de l’établissement nous permettront de nous établir. J’ai hâte de me remettre au travail. Vous verrez que nous serons heureux tous les quatre.

Tous les quatre ! En effet, il ne pouvait être question un seul instant pour Panuel d’abandonner cette famille à laquelle il se trouvait uni par les liens du cœur et de l’esprit, bien supérieurs aux liens du sang. Abandonner Berthe, qu’il considérait comme sa petite fille ! Ah bien oui ! Jamais lui ni l’enfant n’en eussent eu l’idée.

Détras laissa à sa femme huit cents francs, et partit après avoir embrassé Geneviève et Berthe, mais sans leur dire où il allait.

Seul peut-être Panuel en eut l’intuition.