Page:Malato - La Grande Grève.djvu/342

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— Pas d’imprudence ! recommanda-t-il à son ami en lui serrant fortement la main.

Du reste, il ne chercha pas à l’arrêter. Il connaissait trop bien le caractère de Détras pour ignorer que s’il exécutait un acte grave, c’était après l’avoir mûrement médité et que rien ne le ferait revenir sur sa résolution.

Détras était parti après avoir, une fois de plus, modifié sa personnalité. La moustache complètement rasée, les cheveux blanchis sur les tempes seulement, une large tache brune produite artificiellement au moyen d’un crayon de nitrate d’argent, s’étendant sur sa joue gauche, il apparaissait tout autre. Il endossa un vieux costume noir que Panuel était allé acheter au Brisot chez un revendeur et que Geneviève rajusta à sa taille. À la boutonnière de sa redingote, l’ancien mineur arbora, sans hésitation comme sans scrupules, le ruban violet.

Or, l’abbé, après avoir expédié sa dernière pénitente — c’était son jour de confession — avait quitté l’église Saint-Vincent et s’était dirigé dans la ville. Il éprouvait le besoin d’une promenade pour détendre ses nerfs.

Enfoncé dans un dédale de rues étroites s’étendant vers le fleuve, la tristesse d’un soir pluvieux et sombre se reflétait en lui. Les maisons, hautes et grises, lui semblaient comme voilées d’un crêpe.

Comme il achevait une amoureuse rêverie, l’abbé Firot sentit tout à coup une main se poser sur son épaule.

Il se retourna avec un tressaillement d’épouvante : ce n’était guère ainsi qu’on l’abordait, et, en outre, les pensées qu’il ruminait avaient déterminé en lui une sorte d’état latent de terreur.

Un homme de robuste apparence, malgré ses cheveux blancs aux tempes, était devant lui.

Le prêtre se rassura en voyant la redingote de cet inconnu fleurie des palmes académiques. Un homme