Page:Malato - La Grande Grève.djvu/356

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manquer, les sociétaires, ayant pour tout insigne le symbolique bluet, se réunissaient sur la place de l’Église.

— Formez les rangs ! tonnait la voix autoritaire de Moschin.

Et les rangs se formaient : un clairon, sortant de l’alignement, venait se placer auprès du chef.

— Par file à droite !… En avant !… Marche !

Et la colonne se dirigeait, tantôt au pas ordinaire, tantôt au pas accéléré vers la côte de Saint-Phallier. Le clairon sonnait : « Y a la goutte à boire là-haut ! » et les mêmes voix chrétiennes qui venaient de répondre au Dixit Dominus, se transformant subitement en voix guerrières, entonnaient des refrains de marche. Refrains expurgés par Moschin des expressions trop ordurières, chères aux militaristes convaincus, mais susceptibles de blesser les oreilles chastes des bourgeois.

Moschin lui-même se surveillait, ne lâchant que rarement un « Foutre ! » et jamais un « Nom de Dieu ! » Tout au plus émettait-il de temps à autre un « Pétard de sort ! » pour donner plus de force à ses objurgations.

Les jeunes membres de la Vieille Patrie française se rendaient ainsi bi-hebdomadairement dans un stand que des Gourdes avait fait construire sur le plateau, non loin de l’ancienne maison de Détras. Un stand avec pavillon de tir, tranchées et pare-balles en maçonnerie qui faisait l’admiration des patriotes de bon aloi. Et pendant une heure, on entendait se succéder, terrifiantes pour les moineaux, amis du calme, les détonations du fusil Gras.

Puis, après proclamation des résultats obtenus et remise des armes au magasin, une allocution courte mais vibrante de Moschin insufflait dans l’âme des sociétaires le respect de l’autorité et la haine des révolutionnaires, misérables agents salariés de l’étranger.

— Mes amis, souvenez-vous que c’est l’esprit de