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TROISIÈME PARTIE


I

DEUX ANS APRÈS


Marchant sur deux files au son belliqueux du clairon, une trentaine de tout jeunes gens, la boutonnière ornée du bluet, fleur antisémite, gravissaient la côte de Saint-Phallier. À l’arrière-garde, poste habituel des généraux, venait Moschin.

Rien n’avait de façon apparente changé la situation au Brisot ou à Mersey.

Dans cette dernière ville, la tyrannie capitaliste, un moment ébranlée par la catastrophe du puits Saint-Eugène, s’était raffermie, plus insolente que jamais : les promesses faites solennellement, devant tous, aux familles des victimes, avaient été impudemment violées. Les sociétés réactionnaires, la plupart sous la présidence du baron des Gourdes, les autres sous celle de Moschin, couvraient tout le pays, formant un réseau aux mailles serrées.

De ces sociétés, l’une, nouvellement créée sous ce titre « La Vieille Patrie française », recrutait tous les fils de bourgeois bien pensants. Son but avoué était de familiariser ces adolescents avant leur entrée à la caserne avec le tir et les exercices militaires. Son but réel était de former en dehors des gendarmes de Mersey et de la police de la Compagnie, un corps de jeunes défenseurs du Capital prêts à fusiller les mineurs avec cet enthousiasme, dont les mobiles de Juin 48 avaient donné le glorieux exemple.

De ce corps d’élite, Moschin était le président non honorable mais très effectif.

Le jeudi soir et le dimanche, dans l’après-midi, à l’issue des vêpres, auxquelles ils n’avaient garde de