Page:Malato - La Grande Grève.djvu/37

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invité à assister aux réunions, s’était-il discrètement tenu à l’écart.

— Non, avait-il dit, il est prudent que la société conserve son caractère corporatif. Dans un trou comme Mersey, où Chamot et la calotte sont les maîtres, il faut jouer serré.

Cependant, il regrettait presque, maintenant, de n’avoir pas accepté l’invitation de ses amis les mineurs. Habitué à juger les individus sur mille détails, insignifiants au premier abord, le regard, la voix, les gestes, les allures, il eût été bien aise d’analyser le discours de Baladier et Baladier lui-même.

— Tu te défies toujours de lui ? demanda Albert.

— Je ne puis pas dire. Pourtant ce que tu m’as conté de son discours ne m’a guère plu. J’aime les solutions pratiques, pas les grandes phrases.

L’impression que ressentait Panuel, Ronnot l’avait éprouvée en entendant parler Baladier. Lui aussi préférait les idées claires aux adjectifs et aux métaphores. Toutefois, les manières cordiales du conférencier tendaient à le lui rendre sympathique et il s’expliquait sa véhémence imagée en se disant : « C’est un homme qui a souffert. »

Pour la plupart des mineurs, Baladier était le type même du militant révolutionnaire, courageux et désintéressé. Sans doute, il tapait rudement sur les capitalistes ; eh bien, faudrait-il donc prendre des gants pour toucher à ces vampires qui s’engraissaient du sang et de la vie des ouvriers ?

Le mouchard avait eu soin d’écrire à Ronnot au lendemain de sa conférence, lui envoyant en outre des journaux et brochures révolutionnaires avec prière de faire circuler. La lettre contenait aussi un mandat de 22 fr. 50, montant, disait Baladier, d’une collecte faite par lui dès son retour à Lyon, en faveur des quinze mineurs renvoyés par Chamot.

Naturellement Ronnot avait répondu, accusant réception et remerciant. Dès ce moment, la corres-