Page:Malato - La Grande Grève.djvu/387

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crier : « Vive le syndicat ! » Il faut le faire vivre, il faut le défendre contre ceux qui poursuivent sa mort…

Une tempête l’interrompit : tempête d’acclamations, de vivats, de cris furieux de : « À bas Moschin ! À bas les mouchards ! » Canul, présent, en ressentit un frisson. Pour se donner une contenance, il cria aussi d’une voix blanche : « À bas les mouchards ! »

— Que j’en rencontre un, lui dit son voisin, sorte d’hercule, et je lui crèverai le ventre !

Canul eut un geste d’approbation énergique.

Ouvard secouait en vain une minuscule sonnette. Les faibles tintements du grelot ne s’entendaient pas dans ce vacarme. Et pourtant les mineurs étaient tous d’accord : le même sentiment d’exaspération les animait ; mais comprimée dans leur cœur, la passion éclatait, irrésistible comme une bombe.

— Allons, silence ! silence ! tonnait Ouvard frappant la petite table à coups de poings, car le grelot de sa sonnette frénétiquement secouée venait de se détacher.

— Vos gueules ! clama un jeune mineur natif de la banlieue parisienne, où il avait appris le langage le plus pur.

Fut-ce l’effet de cette locution interjective suivant les appels du président ? Une accalmie relative se fit et Ouvard en profita pour continuer :

— Voyons, camarades, conduisez-vous comme des hommes et non comme des enfants. Au moment où votre pain, c’est-à-dire votre vie et celle de vos familles est en danger, ce n’est pas en criant sans vous entendre que vous arriverez à quelque chose. Écoutez-moi et quand j’aurai fini, ceux qui voudront parleront chacun à leur tour.

Et, dans l’apaisement de la tempête, il retraça la longue histoire des persécutions de la compagnie subies par les mineurs avec une patience inlassable, une patience qu’on eût pu appeler de la résignation.