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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/388

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— Mais, non, ajouta-t-il, nous ne nous résignons pas, car ce serait à la fin abdiquer notre dignité d’hommes. Tout a un terme : si nous laissons passer aujourd’hui sans nous y opposer le renvoi de nos vingt-cinq camarades, demain ce sera cinquante qu’on jettera à la porte et après-demain nous tous.

— Oui ! oui ! crièrent des voix.

Et, soudain, roula comme un fracas de tempête, cette clameur :

« La grève ! Vive la grève ! »

C’était la tempête déchaînée, Ouvard avait beau se tourner, clamer ; sa voix forte se perdait dans le tumulte. Ses gestes désespérés pour obtenir du silence demeuraient inutiles. Ce mot magique « la grève » continuait à vibrer dans l’atmosphère surchauffée jusqu’au paroxysme, comme un cri de bataille. Et, en effet, c’était la guerre que ces soldats révoltés du travail acclamaient : la guerre économique, la plus implacable de toutes !

L’idée semée par la propagande de Bernard avait germé, devenait peu à peu l’idée fixe de ces ouvriers, hantant sans trêve leur cerveau pendant les longues heures de leur dur travail. Et maintenant transfigurés par un souffle de révolte, ils la clamaient de toutes leurs forces, avec un enthousiasme d’esclaves, grisés par le grand air de la liberté.

Chaque fois qu’Ouvard voulait ouvrir la bouche, le mot « la grève ! » mêlé de salves d’applaudissements, lui coupait la parole. Il se trouvait à ce moment psychologique où les plus ardents sont à leur tour débordés par les inconnus, qui disent leur mot, exécutent leur geste et disparaissent ou par la foule, cette grande anonyme, force d’une heure, mais force terrible !

Le secrétaire du syndicat comprit qu’il n’y avait qu’à laisser la tourmente s’user. Cela dura environ un quart d’heure, au bout duquel les mineurs étant