Ç’avait été d’abord Michet. Le mouchard de la mine était allé, sur l’ordre du curé, se promener à Jagy et y attendre, devant l’auberge des Trois Chemins, un individu dont le signalement ne laissa pas de l’étonner. Cet étonnement arriva au comble quand il reconnut bel et bien le conférencier Baladier.
— Eh bien, oui, fit celui-ci en s’approchant goguenard, c’est moi, ça vous étonne ?
— Vous qui parliez si bien de tuer les mouchards !
— Vous m’avez entendu ?
— Je crois bien ! J’étais caché dans les branches d’un arbre.
— Tous mes compliments, mon cher confrère, fit Baladier de plus en plus ironique. Je vois que vous êtes un malin.
Et il lui tendit la main.
— Dame ! on fait ce qu’on peut, répondit modestement Michet, flatté à la fois du compliment et de la poignée de main de cet homme qui parlait si bien.
— Vous savez pourquoi vous êtes ici ? lui demanda Baladier.
— Monsieur le curé m’a dit que je recevrai des instructions.
— Très bien. Vous n’aurez qu’à vous y conformer rigoureusement, sans chercher à comprendre.
Michet eut un mouvement d’épaules.
— Oh ! comprendre, à quoi bon, murmura-t-il ? je vois bien que vous êtes une tête, je ne suis que le bras.
À son tour, Baladier sentit son amour-propre agréablement chatouillé. Cet aveu naïf le grandissait : subalterne de M. Drieux, il se trouvait à son tour le supérieur de quelqu’un.
— Mon brave Michet, fit-il d’un ton moins narquois, êtes-vous connu dans cette auberge ?
— Non.
— Très bien. Je vous invite à dîner et entre deux bouteilles de bon vin, je vous dirai ce qu’il faut faire.