Page:Malato - La Grande Grève.djvu/40

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Si vous exécutez proprement mes ordres, vous pouvez compter sur une belle gratification.

— Ça n’est pas de refus.

— Et puis vous aurez la gloire d’avoir contribué à sauver la société.

— Oh ! ça m’est égal, répondit Michet d’un ton de parfait détachement.

Après le mouchard de la mine, Baladier avait vu un individu tout différent.

À l’entrée du bois de Faillan, en venant du hameau de Saint-Jules, vivait un solitaire, dans une misérable cabane, un jeune homme de dix-neuf ans, nommé Galfe, travaillant comme piqueur au puits Saint-Pierre.

L’habitat exerce une influence indéniable sur la mentalité. Tandis que les mineurs, vivant agglomérés dans les cités ouvrières de Mersey, y conservaient, une fois leur travail terminé, des allures de bétail humain, étouffant dans la promiscuité des commérages et des disputes, n’ayant pour dérivatif que le plaisir grossier de boire, entre les quatre murs du cabaret, ceux qui, comme Albert Détras, avaient pu échapper à cet encasernement, reconquéraient un peu de leur individualité.

Il en était de même pour Galfe. Celui-ci, par exemple, vivait tout à fait seul, son père, ancien mineur âgé de cinquante-cinq ans ayant eu sa retraite dans l’hospice de Jancy après trente années seulement de travail au service de la Compagnie, grâce à un éboulement qui lui avait broyé la jambe gauche. La mère était morte d’une maladie que le médecin n’avait su ni guérir ni baptiser et à laquelle on eût pu sans se tromper donner ce nom : « Mal de misère. » Et le fils, de caractère méditatif, un peu sauvage, demeurait volontairement un isolé. Ses rares voisins l’apercevaient, le soir, revenant de la mine et, silencieux comme une ombre, se glissant dans sa demeure. Il mangeait une bouchée de