sentirent froid au cœur devant l’accueil embarrassé, les mots équivoques, les phrases inachevées. Ils devinèrent tout : l’effondrement des idées, du courage, de la dignité. Gênés eux-mêmes autant qu’étaient gênés les Vilaud, ils partirent pour ne plus revenir.
Par contre, ils avaient reçu une visite agréable : celle de Bernard venu serrer la main à un ancien militant, victime avant lui, comme lui et bien plus que lui, de la compagnie de Pranzy. Détras avait appris par le patron du Fier Lapin l’histoire de Bernard et tout de suite un courant de sympathie réciproque s’établit en tous deux. L’un et l’autre étaient des hommes de forte trempe, à l’esprit sérieux et droit, celui-ci ayant davantage étudié les théories, celui-là ayant vécu d’une vie plus mouvementée qui développait l’initiative : ils se complétaient.
Par Bernard, Détras connut mieux qu’à travers les conversations un peu décousues des mineurs, la situation respective de la compagnie et de ses ouvriers ; il fut mis au courant du mouvement qui s’opérait, latent, en faveur d’une grève vigoureuse.
— À ce moment-là, il faudra frapper fort et très vite, dit-il.
— Oh ! répondit Bernard, ce ne sera pas encore la grève finale, la grève générale révolutionnaire, celle qui nous débarrassera définitivement du régime capitaliste.
— Alors, ce ne sera qu’une grande grève ?
— Ce sera déjà quelque chose. Ah ! moi aussi je voudrais voir les choses aller vite !
C’était un cri du cœur de Bernard, un cri qui exprimait toutes ses aspirations contenues, sa passion révolutionnaire, sa soif d’arriver à un dénouement, non à la bataille pour la bataille, mais à la bataille pour la justice et la liberté.
Détras reçut aussi la visite de Galfe. Tous deux s’étaient connus à la prison de Chôlon, après leur