Page:Malato - La Grande Grève.djvu/397

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condamnation ; puis, forçats l’un et l’autre, avaient été non réunis mais séparés par le bagne. Ils s’embrassèrent avec émotion, sans toutefois évoquer cet enfer néo-calédonien qu’ils revivaient en esprit.

Consacrant la plus grande partie de son temps aux allées et venues, pourparlers et formalités pour la vente et la location des terrains ainsi que pour son installation, Détras cependant n’avait pas revu Bernard et demeurait étranger à l’agitation ouvrière.

D’ailleurs, il n’appartenait plus que par le souvenir à la grande famille des mineurs.

La réunion du Fier Lapin allait le rejeter dans ce milieu qui, depuis tant d’années, n’était plus le sien.

La grève ! Oui, on y marchait : Bernard le lui avait longuement démontré et lui-même connaissait assez les ouvriers pour se rendre compte que les mineurs de maintenant, chez lesquels avait éclos cette idée, n’étaient plus tout à fait les simples impulsifs d’autrefois qui acclamaient la révolution sociale, mais s’imaginaient qu’elle allait leur tomber du ciel.

Mais que serait cette grève ?

Serait-elle, comme tant d’autres, la simple cessation de travail jusqu’à ce que la faim eût dompté le troupeau ouvrier ? L’humble supplication aux pouvoirs publics, comme si le gouvernement pouvait faire autre chose que maintenir l’ordre capitaliste, basé sur le salariat, la misère !

En ce cas, quelle immense déception ne se préparaient pas les mineurs !

Serait-ce la grève offensive, révolutionnaire, expropriant les exploiteurs et créant dans l’humanité, secouée jusqu’aux entrailles par une convulsion sans précédent, par une révolution non de surface, mais de fond, un ordre économique nouveau ?

Sans doute, il faudrait inévitablement en arriver là, et Détras souhaitait de toute son âme voir arriver au plus tôt l’aurore de ce grand jour. Mais actuelle-