Ouvard et Bernard s’approchèrent de lui : ils comprenaient quelles pensées s’agitaient en son cerveau.
— Ce qu’il faut faire de ce gredin, dit le premier, comme si Détras lui eût demandé son avis, c’est lui imprimer une flétrissure qui le rende à jamais humilié, sans autorité morale sur sa bande, en butte aux sarcasmes des ouvriers. Ne lui cassons aucun abatis, mais faisons de lui un objet de raillerie : ce sera un exemple salutaire.
Détras eut un geste affirmatif.
Et comme Michet commençait à reprendre connaissance, roulant des yeux effarés et terribles, l’amnistié l’empoignant au collet, le dressa debout :
— Fous le camp, misérable ! lui cria-t-il.
La phrase fut ponctuée par un soufflet retentissant, un soufflet formidable qui fit faire demi-tour à Michet en lui montrant trente-six chandelles et, comme le mouchard chancelant tournait le dos à Détras, celui-ci lui allongea un coup de pied dans le derrière.
Michet, sous cette poussée aussi vigoureuse que le soufflet, fit deux pas en avant, les bras étendus et instinctivement voulut se retenir à Bernard. L’ancien mineur le repoussa avec dégoût, et ce fut sur Ouvard qu’il alla tomber.
— Bas les pattes, mouchard ! cria le secrétaire du syndicat en le rejetant de côté d’un coup de coude.
Sous les rires et les huées des mineurs, Michet s’affala à terre. Il se releva aussitôt et, le poing tendu vers Détras :
— Chameau ! lui cria-t-il.
Cependant les ouvriers s’étaient approchés, entourant Michet, lui jetant des injures. Le mouchard, vaincu, avait perdu le prestige de terreur grâce auquel il avait pu jusqu’alors échapper à la rancune de ceux qui l’exécraient. Maintenant, ce n’était plus qu’un homme comme un autre, qui venait de trouver son maître.