Page:Malato - La Grande Grève.djvu/399

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prisonniers, la plupart sérieusement contusionnés.

Du côté des mineurs le nombre des blessés n’était pas moindre. Beaucoup avaient la figure saignante, les yeux pochés, les oreilles arrachées, le nez aplati, les dents cassées ; mais enfin, ils avaient remporté la victoire et ils exultaient. Pour la première fois, ils avaient soulagé leurs âmes ulcérées en rossant les misérables qui s’étaient faits leurs gardes-chiourmes.

Comme les vainqueurs et quelques personnes du voisinage, arrivées après la bataille, commençaient à s’occuper du pansement des blessés, transportés dans la grande salle du Fier Lapin, accourut Bernard. Il venait seulement d’apprendre la grande nouvelle et il se hâtait, impatient de se retrouver aux côtés de ses anciens camarades.

— Tout est terminé, lui cria joyeusement Ouvard, nous avons gagné la bataille, grâce à lui !

Il désignait Détras.

Celui-ci n’avait pas abandonné son prisonnier. Michet, toujours évanoui, gisait étendu au pied de l’escalier et son vainqueur le regardait avec des yeux sévères.

Qu’allait-il en faire ?

Détras, justement parce que son cœur était droit, et bon, ne ressentait pas la moindre compassion à l’égard des mouchards. Sans remords, comme il avait supprimé l’abbé Firot, il eût supprimé Michet.

Sans doute, s’il se fût trouvé avec le misérable dans un coin perdu de la brousse néo-calédonienne, n’eût-il pas hésité.

Mais il se disait qu’il n’avait pas le droit de laisser à nouveau sa femme et sa fille, sans appui, en reprenant lui-même le chemin du bagne. D’ailleurs, il gardait encore assez d’esprit de conservation pour se dire que la mort de Michet eût été trop chèrement payée par une rechute à l’île Nou sous le gourdin de quelque Carmellini.