Page:Malato - La Grande Grève.djvu/411

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sentait, la direction, c’est-à-dire des Gourdes, Troubon et Moschin, — ne lui avait point pardonné sa défaite. Encore s’il se fût fait tuer, on eût pu le revendiquer comme héros et martyr du devoir accompli, montré en exemple à tous les bons ouvriers ! Mais fessé, c’était réellement inacceptable. Les coups appliqués sur son derrière se répercutaient en soufflet à la Compagnie.

Sans perdre de temps, l’ex-révolutionnaire Moschin s’était efforcé de réorganiser sa police.

Œuvre ardue, car cette réorganisation s’opérait, on peut le dire, sous le feu de l’ennemi. La grève maintenant se déroulait. Le lendemain de la bataille du Fier Lapin, aucun syndiqué ne s’était présenté pour descendre. Les autres mineurs, hésitant d’abord, avaient fini, un peu tous les jours par se rallier à la cause de leurs camarades. Le troisième jour, onze cents seulement travaillaient ; le quatrième jour, on n’en comptait plus que sept cents.

Canul était accouru chez Moschin lui demander des instructions. Il ne se sentait pas à l’aise : s’il allait au travail, il mettait en lumière son rôle de traître dans le syndicat ; s’il participait à la grève, que deviendrait son salaire ?

Il éprouva un véritable soulagement en entendant Moschin lui dire :

— Mais certainement, soyez gréviste et hurlez avec les loups, plus fort qu’eux, jusqu’au jour où nous vous dirons de vous taire. Vous toucherez votre paie comme auparavant.

Canul se retira radieux. Il allait pouvoir se reposer, car moucharder ses camarades n’était pas une besogne bien fatigante, et il serait payé ! Quelle bonne fortune !

Le baron des Gourdes était soucieux : le développement prodigieux de la grève l’effrayait. Sept cents ouvriers travaillant, quelle dérision ! Pas même le dixième de ses mineurs, car tout autour de Mersey,