Page:Malato - La Grande Grève.djvu/413

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tion, oui, on la ferait un jour, mais quand on aurait au moins sept chances favorables sur dix.

Détras et Bernard n’insistèrent point. Ils n’appartenaient plus au monde des mineurs et ne se reconnaissaient pas le droit d’entraîner ceux-ci à une aventure périlleuse. Sans doute se disaient-ils que si les syndicats, gros bataillons ouvriers, doivent, l’heure fatidique venue, livrer la bataille rangée, c’est aux tirailleurs isolés, individus et petits groupes à tâter le terrain et s’il y a lieu, précipiter l’action générale.

Le lendemain soir de la bataille du Fier Lapin, étaient arrivés à Mersey une compagnie d’infanterie et un demi-escadron de gendarmerie à cheval. Des Gourdes, qui avait fait requérir ces troupes, eut d’abord un espoir : qu’une collision se produisît et on pourrait mater les mineurs. Mais les officiers avaient des instructions précises : éviter toute collision.

« Ce préfet-là, il est temps de le faire sauter », pensa des Gourdes.

Par malheur, si réactionnaire que fût le ministère, il ne se pressait pas de donner son congé à un préfet contre lequel n’existait aucun motif plausible de révocation ou déplacement. Et le Jolliveau, persona grata de l’évêché, n’apparaissait pas encore à l’horizon administratif de Seine-et-Loir.

Le mouvement se généralisait, calme et puissant comme un grand fleuve qui suit son cours. Au Brisot même, des symptômes d’agitation se remarquaient parmi les ouvriers de la fonderie. Le cri de : « À bas Schickler ! À bas les exploiteurs ! » avait été poussé à plusieurs reprises devant la demeure du grand usinier. Des mains inconnues avaient affiché des placards socialistes dans les rues et jusque dans les ateliers.

Dans les villes du département, à Môcon et Chôlon surtout, les radicaux se montraient sympathiques au mouvement. Ils n’entrevoyaient pas comme but plus