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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/414

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ou moins éloigné l’expropriation des capitalistes par une révolution analogue à celle dirigée un siècle auparavant par la bourgeoisie contre la noblesse. Mais quelles que fussent leurs idées sur la façon de résoudre le problème économique, ils se sentaient une sympathie pour les victimes d’une exploitation rapace doublée d’un odieux écrasement clérical. Les Schickler, les des Gourdes, c’était la caste irréductiblement antidémocratique, la féodalité reconstituée, haïssant la république même bourgeoise parce que celle-ci, par la force des choses, se réclamait toujours d’un principe populaire et permettait au moins un mouvement d’idées au bout duquel se trouvait la transformation sociale.

Bernard, tout révolutionnaire qu’il fût, sentait que les mineurs avaient besoin de rester en contact avec les éléments radicaux influents sur la masse. Il avait écrit au docteur Paryn, lui rappelant la fameuse réunion empêchée deux ans auparavant par la police de la Compagnie. Maintenant que cette police était battue, désorganisée, et que la troupe ne semblait pas chercher un conflit, c’était le moment de prendre une revanche et de marquer la différence des temps.

Paryn sentait monter le mouvement avec une force continue. Quelle en serait la fin ? Bien que ses conversations avec Bernard, et surtout son observation impartiale des faits, eussent modifié sa manière de voir sur plus d’un point, il ne croyait toujours pas à l’efficacité d’une révolution rapprochée remuant la société dans ses profondeurs. Il appréhendait que, à la faveur du bouleversement, les vieux partis de réaction ne tentassent de s’emparer du pouvoir. Certes, à ce moment, la bourgeoisie moyenne et libérale étant annihilée ou fondue dans le prolétariat, la haute bourgeoisie ralliée à la réaction, la lutte serait entre celle-ci et la révolution sociale ; mais qui l’emporterait ?

Plutôt que de courir un aussi formidable risque,