Page:Malato - La Grande Grève.djvu/416

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l’amour de cette bataille ouvrière, Galfe, lui, qui jadis avait fait parler la dynamite, sentait qu’il vivait d’une autre vie que les mineurs. Le rêveur, le poète qui étaient en lui s’étaient dégagés de l’enveloppe du terroriste : il planait dans un autre monde.

Non pas dédaigneux, certes, de ces prolétaires qui étaient sa caste, avec lesquels il avait autrefois travaillé dix heures par jour, dans les entrailles du sol, au milieu de la poussière de charbon et des émanations du grisou. Mais impuissant à suivre les questions terre à terre d’un syndicat, à s’enthousiasmer pour des réformes de détail, la révolution même qu’il entrevoyait jadis comme une divinité justicière, lui apparaissait maintenant comme un point insignifiant dans l’évolution de l’humanité. L’humanité ! Qu’était-ce que cette espèce transitoire d’animaux aujourd’hui supérieurs, demain inférieurs, lorsque d’elle se serait dégagée la race des surhommes ? Il s’abandonnait à sa pensée, l’emportant comme avec des ailes, loin de cette misérable planète. Où ? Il ne savait, vers l’inconnu, vers l’infini.

Cette vie du rêve ne l’éloignait pourtant pas de Céleste. Par Céleste, il se rattachait à la terre, au monde réel. Si tant est que ce monde réel soit autre chose qu’une illusion !

C’est que, en Céleste, s’incarnait toute poésie, toute harmonie, tout amour. Sa beauté, qui allait à son suprême épanouissement, était faite à la fois de grâce et de force. Tandis qu’il y avait incontestablement chez Galfe un côté maladif, dû peut-être à l’atavisme, en Céleste, tout était saine vigueur en même temps que charme ; son enfance errante, au grand air, l’avait fortement trempée ; grâce à cette sève vivace puisée sous le ciel pur, au grand soleil, elle avait pu ensuite sortir non broyée des dures épreuves de la vie.

L’amour de Galfe et de Céleste n’avait pas diminué. Tous deux vivaient l’un en l’autre et par l’autre. Si