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Page:Malato - La Grande Grève.djvu/425

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aussi d’être traités en hommes et non en bêtes de somme par les chefs ; c’était enfin, une fois leur tâche terminée, se sentir affranchis de la surveillance ignominieuse des mouchards, libres de ne pas envoyer leurs femmes et leurs filles aux offices et à confesse, sous peine de perdre leur pain.

Les propositions formulées par Ouvard furent adoptées d’acclamation par les syndiqués réunis à la maison Brossel. Ce jour-là, on eût dit que la mer, une mer humaine, déferlait sur l’habitation. La cour, le local du syndicat, les autres chambres étaient bondées de mineurs s’empilant et s’étouffant pour entendre la lecture du memorandum résumant leurs griefs et leurs espérances. Au milieu de cette masse de chair à travail qui débordait jusque dans la rue, Ouvard, se frayant difficilement un passage, allait d’une place à une autre, lisant son exposé de revendications, salué par des tonnerres d’applaudissements.

Mais ce n’était pas tout : si le syndicat demeurait le noyau de la force ouvrière, il ne pouvait sans imprudence se séparer de la masse ou s’arroger le droit de parler sans mandat au nom de cette masse. Certes, les adhésions au syndicat s’étaient multipliées depuis le commencement de la grève ; malgré cela, que représentait-il numériquement ? À peine le dixième des grévistes.

— Camarades, cria Ouvard, prévenez tous ceux que vous verrez qu’on se retrouvera ce soir à sept heures sur la côte en face la Ferme nouvelle.

La Ferme nouvelle, c’était le nom sous lequel, déjà, dans le pays on désignait l’habitation des Détras.

Marbé étant dégoûté, depuis la terrible bataille, de louer la salle du Fier Lapin, pour y tenir des réunions et les autres débitants ou cafetiers continuant à se courber devant la Compagnie, il devenait impossible de trouver un local. Déjà Brossel avait