Page:Malato - La Grande Grève.djvu/426

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reçu injonction du commissaire de police — injonction illégale d’ailleurs — de déloger de chez lui le syndicat sous peine de poursuites. Pourtant, il fallait se rassembler : c’était la condition vitale sine quâ non de la grève.

Se réunir dans les bois, comme au temps de la bande noire ? Ouvard s’y fût opposé de toutes ses forces. C’eût été pour lui une diminution morale des ouvriers, n’osant affirmer leur droit que clandestinement, à la façon de conspirateurs ou de pusillanimes. Or, ils n’avaient à être ni l’un ni l’autre. C’était ouvertement, en face de cette ville de Mersey, créée par le travail, qu’ils devaient proclamer leurs revendications et montrer leur force.

Sur le large plateau s’étendant au-dessus du faubourg de Vertbois devant la Ferme nouvelle, à l’est, et les Mésanges à l’ouest, avec le Fier Lapin entre ces deux points extrêmes, l’espace ne faisait pas défaut. Une petite armée eût pu y manœuvrer : l’armée des mineurs y serait à l’aise pour écouter Ouvard et sanctionner ou rejeter les propositions.

À l’avance, le secrétaire du syndicat, aidé par ses camarades, avait rédigé une trentaine de copies. Brossel en avait reproduit à peu près autant au polycopie, de sorte que les grévistes qui demeuraient groupés par équipes de puits et de galeries, pouvaient se prévenir mutuellement, se mettre au courant des propositions, et n’avoir plus qu’à approuver ou rejeter.

Il faudrait sans doute se hâter, car la troupe et surtout la gendarmerie prévenues, pourraient arriver et dissoudre cette réunion en plein air. La France démocratique ne jouit pas, à ce point de vue-là, des libertés politiques de la monarchique Angleterre.

— À ce soir ! répétèrent les syndiqués.