Aller au contenu

Page:Malato - La Grande Grève.djvu/451

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

méditation ou à cette évocation d’un passé tragique, il reprit :

— Nous sommes de par le monde une poignée de capitalistes enviés, haïs, nous devons être solidaires les uns des autres, car la masse est là, grondante comme un fauve, qui nous guette pour nous dévorer.

— Certes, approuva des Gourdes, si nous nous divisons par la concurrence illimitée au lieu de nous unir, malheur à nous !

Pourtant, tout en venant demander secours à Schickler, il n’était qu’à demi convaincu de la concentration des capitaux chez un nombre sans cesse plus restreint de possesseurs, les plus forts éliminant les plus faibles. C’était la théorie du socialisme marxiste, qui ne lui était pas inconnue, mais à laquelle il croyait assez peu. Si la richesse se fût centralisée absolument entre les mains de quelques privilégiés, la misère de la grande masse eût augmenté en proportion. Or, la misère n’augmentait pas, il en était sûr ; les ouvriers maintenant buvaient du bon vin, mangeaient de la viande et touchaient à Mersey jusqu’à des 4 francs par jour !

— La vague révolutionnaire monte peu à peu, murmura Schickler. Elle finira un jour par nous envahir et balayer la société ; mais si nous nous défendons, cela peut tarder encore longtemps… oui, bien longtemps.

Du coup, l’orgueil de des Gourdes se révolta. Être balayé par le flot des déguenillés, des meurt-de-faim, barbares se ruant sur la civilisation, et faisant crouler les vieilles castes, jamais !

— Tout de même, fit-il, la victoire finale nous restera. Toutes ces brutes sont dangereuses comme une armée de loups et de tigres, mais ne sauraient faire la loi à la partie intelligente et affinée de l’humanité. La lutte sera rude certes, mais on finira par les détruire ou les dompter, comme on détruit ou dompte les bêtes.