Page:Malato - La Grande Grève.djvu/465

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ternisaient avec les Merséens au cri répété de : « À bas les exploiteurs ! Vive la grève ! »

On les avait embarqués pour Mersey autant dire sans leur consentement, se bornant à choisir de préférence ceux qui, classés bons sujets, ou sans famille, sans attaches particulières avec le Brisot, eussent tout aussi bien travaillé n’importe où. D’ailleurs, ce ne devait pas être pour longtemps, des Gourdes, confiant, avait dit à Schickler en le quittant :

— Dans huit jours, la grève sera terminée. Alors, je vous renverrai vos hommes.

C’était l’effet moral surtout qu’escomptait le baron. Deux cents recrues, ce chiffre en réalité, importait peu ; mais c’était cette nouvelle sensationnelle, énorme : « le Brisot vient au secours de Mersey ! » Devant l’impression causée par cette entrée en ligne de l’armée du tout-puissant Schickler, le découragement s’emparerait des grévistes de Mersey : ils capituleraient.

Et maintenant, chose inouïe, qu’on n’avait jamais vue depuis un quart de siècle, les soldats de Schickler se révoltaient ! Ce n’était encore qu’un détachement, non une armée. Mais les contremaîtres n’en demeuraient pas moins frappés de stupeur : une fois commencée, où s’arrêterait la révolte ?

À ce moment, le groupe de Troubon, Moschin, Villemar, arrivé assez près de la gare pour se rendre compte d’une inexplicable scène de désordre, pressait sa marche. Moschin se précipita, en avant, accompagné de Bollard.

— Allons ! les hommes ! cria-t-il. De l’ordre ! Obéissez à vos chefs !

C’était l’individu de commandement et de décision qui se montrait. Cinq minutes auparavant son intervention eût pu être décisive : maintenant, il était trop tard ; les esprits étaient retournés !

Une clameur furieuse accueillit ses paroles : « Vive la grève ! »